Les pouvoirs accrus du conseil syndical
Dernière révision mars 2023.
L’ordonnance 2019-1101 du 30 octobre 2019 a renforcé le rôle du conseil syndical et de son président depuis le 1° juin 2020. Voici les précautions à prendre pour ne pas piéger le conseil syndical dans un rôle qui n’est pas le sien.
1. Une délégation de pouvoirs étendue
En vertu des nouveaux articles 21-1 à 21.5. de la loi de 1965, L’AG peut désormais (1) donner au conseil syndical délégation de pouvoir pour toutes les décisions qui se prennent à la majorité simple « de l’article 24 » (avec les exceptions ci-dessous en 2). Il peut s’agir par exemple :
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du remplacement d’un élément d’équipement
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de travaux
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de réalisation du diagnostic de performance énergétique ou du projet de plan pluriannuel de travaux
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de l’équipement en bornes de recharge pour véhicules électriques
Chaque délégation de pouvoirs fait l’objet d’une résolution séparée, avec à chaque fois le montant maximum des sommes allouées pour la mettre en œuvre, si elle inclut le pouvoir d’engager des dépenses.
De plus, l’AG peut maintenant donner délégation au président du conseil syndical d’agir en justice contre le syndic (2) pour des motifs de « carence ou inaction » (3).
2. Une délégation de pouvoirs encadrée
Selon l’article 21 du décret 67-223 « une délégation de pouvoir […] ne peut, en aucun cas, priver l’assemblée générale de son pouvoir de contrôle sur l’administration de l’immeuble et la gestion du syndic ».
Au-delà de ce principe général, la réglementation prévoit que la délégation de pouvoir :
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est limitée à 2 ans (4) ;
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se vote à la majorité absolue « de l’article 25 », c’est-à-dire de tous les copropriétaires représentés ou non. La « passerelle » de l’article 25.1 impose maintenant de procéder immédiatement à un second vote à la majorité simple, lorsque la majorité absolue n’a pas été atteinte, mais que la résolution a recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires ;
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ne peut être accordée qu’à des conseils syndicaux formés d’au moins trois membres.
Sont exclus de la délégation de pouvoir :
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l’approbation des comptes ;
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la fixation du budget prévisionnel ;
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les adaptations du règlement de copropriété nécessitées par les évolutions législatives.
3. Les points de vigilance
Les décisions prises par le conseil syndical dans le cadre de la délégation de pouvoirs peuvent être attaquées en justice. En conséquence, la copropriété est dans l’obligation de souscrire, pour chacun des membres du conseil syndical, une assurance de responsabilité civile (5).
En acceptant une ou plusieurs délégations de pouvoir, le conseil syndical se retrouve dans la position du seul décisionnaire. Ce faisant, ses membres pourront se trouver placés au cœur de discordes sur les travaux, alors que leur rôle bénévole n’est pas celui de conciliateur ou médiateur.
Le conseil syndical augmente notablement sa charge de travail bénévole ; en effet, il doit suivre les travaux qu’il a ordonnés, et notamment :
- Transmettre au syndic le procès-verbal de toute réunion du conseil syndical où la question est abordée (6).
- Préparer un compte rendu écrit annuel d’exécution de la délégation, à joindre à l’ordre du jour de l’assemblée générale, et y faire lecture de ce compte rendu dans le cadre d’une résolution d’information
Enfin toutes les charges votées dans le cadre d’une délégation sont comptabilisés dans des comptes spécifiques (7) créés dans le plan comptable copropriétés (106, 706-1 et 706-2, 12-2, 65, 674). Chaque délégation pour travaux fait l'objet d'un appel de provisions, à l'instar d'un vote de travaux. A l'inverse, une délégation qui engage seulement des charges courantes (et non des travaux) oblige à spécifier un montant alloué au conseil syndical au sein du budget prévisionnel voté en AG (8).
4. Nos recommandations :
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Veiller à la bonne rédaction de l’ordre du jour : lors de la réunion de préparation de l’AG avec le syndic, le conseil syndical aura déjà décidé s’il propose que certaines décisions lui soient déléguées, lesquelles et pour quel montant ;
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Chaque délégation de pouvoir fait l'objet d'une résolution distincte ;
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Ne pas accepter des délégations de pouvoirs d’engager des dépenses qui, cumulées, dépasseraient 5% du budget des dépenses courantes ;
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Ne pas accepter des délégations de pouvoirs concernant un sujet qui divise les copropriétaires : il existe des médiateurs et conciliateurs professionnels, ce n’est pas le rôle du conseil syndical ;
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N’accepter qu’avec la plus grande prudence une délégation de pouvoirs concernant des travaux ; le mieux est de se limiter à la délégation de pouvoirs qui existait auparavant, celle de choisir l’entreprise dans la limite d’un budget donné (9) ; ainsi les copropriétaires restent maîtres de leurs votes pour décider les travaux en AG ;
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Si une délégation a été votée, demander une étude à un expert (10) dès que le sujet dépasse les compétences du conseil syndical ;
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Pour chaque délégation de pouvoir votée, nommer au sein du conseil syndical un référent qui assurera le suivi d’une part, et alimentera d’autre part le rapport écrit (11) obligatoire à communiquer aux copropriétaires.
[1] Nouveaux articles 21.1 à 21.5 de la loi du 10 juillet 1965 et article 21 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 modifié par le décret n°2020-834 du 2 juillet 2020
[2] Nouvelle rédaction de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965
[3] Article 25 alinéa i) de la loi du 10 juillet 1965
[4] Renouvelable par une décision expresse de l’AG
[5] Souvent incluse dans les assurances multirisques copropriété ; inutile si aucune délégation de pouvoirs n’est votée au conseil syndical
[6] La procédure est fixée par le décret 2020-384 du 2 juillet 2020, qui crée l'article 21-1 du décret du 17 mars 1967 :
« Les décisions prises par le conseil syndical, lorsqu'il bénéficie d'une délégation de pouvoirs en application des articles 21-1 et suivants de la loi du 10 juillet 1965, sont consignées dans un procès-verbal, signé par deux de ses membres.
« Le procès-verbal mentionne le nom des membres du conseil syndical ayant participé à la délibération et le sens de leur vote.
« Le procès-verbal des décisions du conseil syndical est transmis au syndic qui l'inscrit au registre des procès-verbaux des assemblées générales
[7] La procédure est fixée par la version modifiée de l'article 7 de l'arrêté du 14 mars 2005.
[8] Nouvel article 26-1 du décret du 17 mars 1967 :
« Pour l'application des dispositions de l'article 21-2 de la loi du 10 juillet 1965, un montant spécifique est alloué au conseil syndical au sein du budget prévisionnel voté chaque année pour l'exercice de sa délégation de pouvoirs.
« Par dérogation à l'alinéa précédent, lorsque la délégation de pouvoirs porte sur des dépenses pour travaux non comprises dans le budget prévisionnel, l'assemblée générale précise le montant maximum alloué pour chacune d'elles. Les sommes afférentes à ces dépenses sont appelées selon les mêmes modalités que celles prévues au second alinéa du I de l'article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965.»
[10] Il est intéressant de prévoir que l'expert interviendra en AG pour expliquer la solution retenue et son coût
[11] Le conseil syndical devra également rendre compte de ses délégations de pouvoir lors de l’AG suivante